Pour tenter de mieux se connaître et donner un sens aux secrets de notre histoire dans un but
d’apaisement et de réconciliation, plusieurs méthodes ont vu le jour. La constellation familiale
systémique et la psychanalyse corporelle méritent largement une attention particulière.
La constellation familiale systémique, très connue dans le monde du développement personnel
depuis les années 2000, est une méthode de thérapie familiale transgénérationnelle fondée
dans les années 90 par l’ancien prêtre allemand Bert Hellinger devenu psychothérapeute.
Elle est basée sur la mise en place de jeux de rôles et de psychodrames qui révèlent l’inconscient
familial. Elle se propose de faire émerger les conflits familiaux, de les traiter par le geste et
la parole. Les non-dits, les tractations entre les individus d’une même famille apparaissent au
grand jour dans le jeu inspiré des personnes, choisis dans un cercle de participants, pour
représenter les personnages de la famille. Le jeu des participants est validé ou non par le
constellateur formé à ressentir si les mouvements sont issus ou non de « l’âme » comme le définit le
fondateur Hellinger. À la fin d’une constellation, la personne concernée et qui avait observé le « jeu » des représentants de sa famille va reprendre la place de celui ou celle qui joue son rôle. Le « constellateur », qui a un rôle d’accompagnant, va l’aider à trouver les mots d’amour pour tenter d’apaiser la dynamique familiale. Des phrases adressées par le participant aux personnes concernées, représentantes de sa famille dans la constellation, qui ont été blessées, oubliées, ou même qui ont trahi, fait du « mal », mis en péril l’équilibre familial : « Je te reconnais comme mon fils » pour un enfant non reconnu. « J’accepte ton destin, je m’incline devant toi » à
une personne décédée. « Tu sais, je te vois, tu n’as pas pu faire autrement »…
La parole est associée le plus souvent à un geste symbolisant la réconciliation, comme prendre
dans les bras, donner une caresse. L’émotion qui remonte aussitôt chez les personnes est très touchante et les témoignages d’apaisement d’après constellation sont nombreux.
La révélation du secret est libératrice car elle permet de décharger les émotions négatives
accumulées et surtout de connaître avec qui la personne est intriquée. La personne peut alors se libérer du fantôme de son ancêtre. Un accompagnement et un suivi s’avèrent
souvent indispensables, surtout dans les cas de « lourds secrets » ou dans les cas de résistance du
participant. Il s’agit de pardonner. Christiane Perreau, spécialiste de la méthode, explique dans son blog « Constellations je nous » qu’il faudrait trois générations pour verrouiller le secret avec des risques de symptômes croissants si le secret reste enfoui.
Nous avons accès à de nouvelles informations et le système va manifester des ressentis, des symptômes jusque-là inconnus ; les représentants vont dire qu’ils ont peur ou qu’ils n’aiment pas ce qui se passe ou au contraire, d’autres vont éprouver du soulagement depuis que le secret est entré ; il n’est pas rare d’entendre un représentant dire « maintenant je n’ai plus à m’en occuper, cela ne me regarde plus, je vais pouvoir être plus tranquille, je suis soulagé ». Nous n’allons pas rentrer dans les détails du secret, l’objectif étant de voir, de comprendre que quelque chose de grave s’est passé, un infanticide, un inceste, un viol ou une maladie mentale.
L’important est de permettre l’amorce d’un processus de désidentification des personnes concernées. Rupert Sheldrake, célèbre chercheur en biochimie et parapsychologie, étudie les « champs biomorphiques », rejoignant les découvertes de Bert Hellinger. En 1978, deux psychanalystes freudiens français d’origine hongroise, Nicolas Abraham et Maria Torok introduisent les concepts de « cryptes » et de « fantôme » dans leur livre L’Écorce et le Noyau. Des hypothèses sont faites en constatant que certains de leurs patients réalisaient des actes qu’ils ne comprenaient pas, comme téléguidés par un autre, et confirmés par leur entourage. Anne Ancelin Schützenberger, psychothérapeute, psychodramatiste de renommée internationale, appuie
un peu plus les découvertes des deux psychanalystes en les citant dans son livre Aïe mes aïeux (1993). Elle explique qu’après un évènement familial dont on a honte et qui resterait caché, c’est comme si le fantôme de la personne oubliée sortait de sa tombe mal fermée et agissait sur les générations suivantes. Un certain nombre de ses écrits expliquent que ce que les parents ou ancêtres n’ont pas mis en mots, les enfants le mettent en maux jusqu’à la conscientisation des faits. Car les enfants sentent bien quand il existe une dysharmonie dans leur système familial même s’ils
ne peuvent la nommer. Didier Dumas, psychanalyste, dit : « Ne pas révéler un secret de famille à nos enfants, c’est les condamner à répéter les fautes de leurs ancêtres. L’inconscient
est transgénérationnel. L’enfant se construit paridentification, c’est-à-dire en dupliquant littéralement l’inconscient de ses parents, avec son lot de représentations mais aussi de trous formés autour d’une absence de parole, de questions laissées sans réponse ou de secrets traumatiques. Le non-savoir nous condamne à nous heurter aux mêmes difficultés que nos parents ou grands-parents, et à ne pas pouvoir les dépasser. » Selon Serge Tisseron, psychanalyste, les événements à
l’origine des non-dits varie selon les pays et époques, avec l’évolution des mœurs et de la loi et même selon les personnes. Ces évènements ont cependant le plus souvent trait à la mort et à la filiation (avortements clandestins, infanticides, adultères, fortune frauduleuse ou dilapidée, prison, internement psychiatrique, secrets autour de la naissance de l’enfant comme né avant mariage, enfants adoptés dits « naturels » pour masquer une stérilité…) Il précise que « l’existence d’un non-dit chez un parent provoque chez l’enfant un fonctionnement psychique clivé, et à la limite une véritable psychose localisée. Avec un impact trangénérationnel possible. »
L’APPORT DE LA PSYCHANALYSE CORPORELLE
La psychanalyse corporelle est née de l’intuition géniale de Bernard Montaud, kinésithérapeute
et ostéopathe. 40 années de recherche, d’expérimentations et de codifications précises ont permis de découvrir que tout être humain vivait obligatoirement 4 traumatismes constructeurs de la personnalité, de sa naissance à la fin de son adolescence en passant par la petite enfance et l’enfance. Ces 4 évènements clés de l’existence humaine, définis comme des sommets de douleur psychique résumant toute une période donnée, nous coupent à chaque fois de la moitié de nos organes des sens, autrement dit de la capacité à percevoir le monde. Grâce à nos traumatismes,
nous possédons une personnalité unique et cela va nous permettre de vivre socialement.
Entre 0 et 3 ans, l’enfant va vivre le traumatisme de la petite enfance appelé traumatisme du secret
familial où il perçoit très concrètement les non- dits familiaux et toutes les « tractations » entre les
membres de sa propre famille. Il va découvrir un secret familial le concernant à travers les attitudes
physiques et les mots des adultes. Véritable« éponge » et tout empreint de vérité, le bébé ne
supportera pas le mensonge et se coupera d’une partie de lui-même pour survivre. En résultera un
choix pour sa vie future qui le conditionnera dans un comportement face aux forces du mensonge
et de la vérité. Cette empreinte est définitive, et revivre par la psychanalyse corporelle ce moment
si particulier, dans ce que nous appelons la fin de la scène traumatique, va permettre à l’adulte de
pardonner à ses bourreaux, souvent à la maman, détentrice du secret. Pardonner à la fin d’une scène de son revécu traumatique, c’est comme, c’est comme revivre en sens inverse le traumatisme, donner un sens à ce qui nous est arrivé, poser un autre regard sur des pans douloureux de notre vie et comprendre « cellulairement » l’histoire de nos parents. « Ils n’ont pas pu faire autrement », je
vois toute leur histoire, « que je les aime » !!!, sont les mots le plus souvent prononcés par les
psychanalysés au moment de la réconciliation. Quel apaisement après un tel moment de vérité
avec soi-même et ses parents ! « Tout ce qui ne remonte pas à la conscience revient sous forme de destin », affirmait Carl Gustav Jung, pilier de la psychanalyse. Le sujet des secrets familiaux se révèle être très sensible,même parfois épineux. Les parents, détenteurs d’un secret, veulent avant tout protéger l’enfant. Ce qui se produit, nous l’avons vu, est l’inverse, l’enfant s’identifie encore plus.
RETROUVER DU SENS APAISE
Heureux qu’il y ait des méthodes permettant de mettre en lumière les secrets familiaux.
Ces « techniques » doivent respecter une éthique avec une codification précise permettant de
valider les informations retrouvées.Un accompagnement bienveillant et juste est indispensable pour aider l’individu à retrouver un sentiment de paix vis-à-vis de son histoire. Ensuite contagieux de cette réconciliation, il va pouvoir trouver sa place dans le système familial. La constellation familiale englobe les personnes d’une même famille ou d’un même système, et recherche l’harmonie entre ses membres. Elle aide la personne en recherche à donner du sens à la dynamique familiale. La psychanalyse corporelle offre à la personne, dans la rigueur de sa codification et de son accompagnement, un profond niveau de réconciliation. Réaliser sa psychanalyse corporelle, c’est s’apaiser avec son passé, son histoire personnelle, donner du sens à la construction de son être. Accompagnée d’une pratique intérieure régulière, véritable baume au cœur dans nos vies souvent agitées, elle se révèle agissante dans le présent et le futur de l’individu.
CHRISTIAN GENILLER
Psychanalyste corporel,
rédacteur en chef de Reflets